Sortez couvert, il pleut des géants! -Ft Nath-

J’étais venu à Port-Réal sans but précis. Initialement, je pensais simplement passer dans la Capitale, acheter un destrier, une hache de guerre et partir en direction du Val comme ça avait été le cas dans la première vie, mais je m’étais légèrement égaré entre le gamin que j’avais sauvé des soldats de la garde et la jeune femme éplorée que j’avais croisé au Septuaire lorsque je portais un costume plutôt sexy de Septa. Me rendre jusqu’au royaume de Robert Arryn à pied ne me tentait pas du tout, tout comme affronter les guerriers des peuples des montagnes avec seulement mon poignard des âmes. Il aurait été plus logique que je quitte Port-Réal au plus vite, mais j’avais été incapable de m’y résoudre. Retrouver mon fidèle cheval avait été presque impossible, mais mon regard l’avait retrouvé à la toute dernière seconde. Grand, élancé, de couleur caramel tacheté de marques blanche, Raquiros était le même que dans mon souvenir. Comme dans la vie que nous avions quittée, le marchand me le fit à prix réduit à cause du mauvais caractère de l’animal, mais c’était ce qui me plaisait chez ce canasson. Après tout, il avait ce petit côté piquant et caractériel qui me manquait. Il était étrange de me dire que ce cheval était sans doute beaucoup plus intelligent que moi en fait.


Comme la première fois, il tenta de me désarçonné dès que j’ai monté sur sa selle, mais…cette fois-ci il y parvint assez rapidement. Un éclat de voix plus rauque que le tintamarre joyeux de la conversation environnante m’avait déstabilisé l’instant d’une seconde alors que Raquiros s’amusait à ruer comme un fou sous les rires gras de son ancien propriétaire. « Raquiros…Non…Non…couché! Raquiros, couché j’ai dit! » Criais-je alors que ma longue chevelure me fouettait le visage à chaque fois que l’animal tentait de me désarçonner. Tirant sur la bride de toutes mes forces, j’ai senti que quelque chose clochait lorsque le cheval de guerre se calma d’un coup. Légèrement rassuré, j’ai laissé un peu de lest à la bride et…à la seconde suivante, il se cabra et m’envoya voler de toute sa puissance. J’avoue ne pas comprendre pourquoi certaines personnes souhaitent apprendre à voler comme un corbeau alors que c’était non seulement contre-nature, effrayant et totalement dangereux.


Je ne sais pas où m’envoya valser Raquiros, mais la porte que j’ai défoncé par la force de mon vol plané fut assez foudroyante pour me faire grogner de douleur. Comme si ce n’était pas assez, la force de l’impact me fit rouler à l’intérieur du bâtiment dont la porte était maintenant devenue du petit bois à feu et j’ai terminé ma chute en percutant tête première une étrange étagère. Gémissant de douleur, j’étais sûr que le carnage était maintenant terminé…jusqu’à ce que l’armoire se mette à vaciller et que tous les objets qu’elle contenait me tombent sur la tête. Heaumes, épaulettes, jambières, plastrons et gantelets se mirent à me pleuvoir dessus impitoyablement. « Mais qu’est-ce qui se passe, bon sang? » Râlais-je en tentant de me protéger la tête de mon bras. Il était certain que j’aurais une magnifique bosse sur le front dans quelques minutes. « Je…je suis désolé » Tentais-je de m’excuser sans être capable de voir quoi que ce soir d’autres que les ténèbres qui obscurcissaient de plus en plus ma vue. « Mon…mon cheval voulait me faire une petite…une petite blague je crois » Tentais-je de m’excuser en me relevant difficilement. Légèrement instable, j’ai regardé autour de moi pour voir le chaos que je venais de créer et je me suis gratter le derrière du crâne, légèrement coupable. « Je peux vous dédommager pour cet incident…je suis désolé » Proposais-je à la cantonade, ignorant où était le propriétaire des lieux. Au boucan que j’avais créé, il était plus que certain qu’il rodait dans les parages, guettant sans doute quelle serait ma prochaine réaction. L’honnêteté ou la fuite?

J’étais complètement assommé par le joli vol plané que venais de me faire vivre mon nouveau compagnon de route. Les animaux n’avaient-ils donc conservés aucun souvenir de l’ancienne vie, contrairement à certains d’entre nous? À tous les coups, Krupo et lui allaient se chamailler sur tout le chemin séparant Port-Réal du Val...pour voyager en catimini, ce n’était pas l’idéal. Déboussolé par les derniers événements, j’ai regardé le capharnaüm autour de moi avec une mine désolé; je détestais rajouter du travail à quelqu’un qui s’efforçait d’honnêtement gagner sa vie. Je venais pour acheter une arme redoutable et je trouvais le moyen de créer un désastre. Ouvrant grand les yeux en voyant tout le désordre de l’établissement, je me suis légèrement gratté le menton; serait-ce possible que ma chute ait causé autant de dégâts? « Non non, il est déjà bien ferré et je ne suis pas cruel au point d’imposer ce démon à un pauvre forgeron » Répondis-je maladroitement tout en me rapprochant de l’homme qui venait de calmer mon fidèle canasson. De toute évidence, il s’agissait là d’un homme habitué avec les équidés vu le peu de temps qu’il mit à rendre mon cheval sauvage aussi docile qu’une poule de ferme. Est-ce que le marchand m’avait floué en mentionnant l’étalon sauvage que je venais d’acquérir?


Ignorant tous les propos que j’avais pu avoir pour m’excuser ou même lorsque j’offris une compensation pécuniaire pour tous les problèmes causés, l’homme à la chevelure foncée se contenta de me faire une remarque cinglante sur l’état de son armoire et sur son invitation à entrer dans sa boutique devenue obsolète. Les gens de Port-Réal étaient-ils tous aussi hargneux et rageant envers les inconnus? Que je sache, je m’étais excusé! Faisant voler la poussière qui s’était accroché à ma tunique de voyage gris acier, je me suis rapproché du forgeron tout en donnant un léger coup de pied dans les débris de la porte. « Si je ne m’abuse, je vous ai offert de vous dédommager pour la porte et le désordre, mais vous m’avez tout bonnement ignoré » Fis-je remarquer sur le même ton que le forgeron. Je savais que je pouvais sembler idiot par moment, mais le respect avait toujours été un élément important pour moi et cet homme semblait ne pas daigner m’en accorder une once par sa remarque douteuse.


Regardant partout autour de moi à la recherche du type d’hache que je cherchais à acquérir, je commençais à me demander s’il n’avait pas mieux fallu que je retrouve le même forgeron que lors de mon autre vie. « Je compte me munir d’une hache de combat à double lame. Puis-je avoir un aperçu de votre art ou dois-je commencer immédiatement à chercher un nouveau forgeron? » Demandais-je en baissant mon regard vers lui afin de le regarder droit dans les yeux. Je n’étais pas d’un naturel cassant, bien au contraire, mais je détestais qu’on me parle comme si je valais moins qu’un vulgaire rat. J’étais un disciple de Multiface, pardi!