Un guerrier sur le départ

L'Île était en effervescence. Harald était fasciné. Le forgeron n'avait jamais eu autant de travail, chacun lui demandant des réparations de dernière minute, et de nouveaux fers pour les quelques chevaux de l'Île. Les femmes et les enfants qui ne se battraient pas préparaient les vivres et le matériel nécessare pour le fonctionnement d'un camp. Les bateliers affrétaient des barques, les chargeant à ras bord des vivres empilées sur la berge. Le mont de charge pour les chevaux était en cours de construction. Il fallait beaucoup de ressources pour préparer une guerre !

Le jeune garçon se demandait s'il resterait des poissons dans les réserves pour ceux qui restaient derrière et si les guerriers n'auraient pas tout pris avec eux. D'un autre côté, ainsi, il était sûr que son père ne manquerait de rien. Sa mère n'était plus de ce monde et Harald prenait donc beaucoup à coeur le bien-être de son père. Il avait préparé un petit panier avec du saumon fumé, une petite jarre en terre cuite pleine de miel, et il y avait ajouté un ruban de tissu de soie colorée, un souvenir de sa mère, venu directement du sud. Harald ne s'en séparait jamais, et dormait avec lui, mais il estimait que son père en aurait plus besoin que lui. Il partait loin, et il aurait besoin de toute la protection qu'il pouvait recevoir. Ainsi sa mère veillerait sur Rodrik, comme elle veillait sur lui. Et lui, il saurait se débrouiller sans. Il comptait lui donner le panier en temps voulu, avant son départ. Il aurait voulu pouvoir l'accompagner, visiter les contrées du sud et défendre l'honneur du Nord. Mais il ne savait pas manier l'épée, il commençait seulement à apprendre. Il faudrait plus qu'une lame de bois pour vaincre les ennemis du Nord. Mais à voir les hommes s'assembler et rassembler le matériel, il savait que personne ne pourrait leur résister. Le Nord, avec les hommes de l'Île aux Ours à ses côtés ne pouvait que gagner. Et Rodrik lui reviendrait bientôt, couvrant la famille Mormont d'honneur. Il en était certain. Il protégerait Maege et ses filles.

Harald voulait aider, et il transportait des sacs et des provisions dans les barques, jusqu'à ce qu'on finisse par lui annoncer qu'il ne faisait que bloquer le chemin et ferait mieux de retrouver ses amis pour jouer. Il avait donc décidé de les espionner, mais les tonneaux derrière lesquels il s'était caché avaient finis par être chargés eux aussi... Il en était réduit à s'asseoir sur un rocher, trop loin pour voir ce qui se passait, Perce-Neige et Hiver couchés à ses pieds. Il ne voulait pas l'avouer, mais il boudait. Trop jeune pour aider, et en plus il ne verrait pas son père pendant un long moment. Il semblait ne pas avoir de temps pour lui. C'était sans doute injuste de penser cela, mais il s'en fichait. Son père aurait dû être à ses côtés et profiter de chaque instant ensemble. Ils seraient séparés pendant longtemps. Et on ne le laissait rien faire. Et ses cousins étaient occupés ailleurs, eux aussi. A croire qu'il ne comptait plus pour rien en ce moment ! Il balançait les pieds, jambes pendante du rocher, et les molosses baissaient la tête quand un pied leur passait par dessus la tête. Même les chiens semblaient ne pas vouloir s'occuper de lui ! Tout à cette pensée, il se retourna en entendant un bruit derrière lui.

La guerre approchait. Il s'agissait de défendre le Nord, de réclamer ce qui leur revenait de droit et de libérer Ned Stark alors encore prisonnier de la couronne. Ned, un traitre ? Quelle idée !
Rodrik s'était attelé à la tâche comme tout un chacun. Il était hors de question pour lui de se reposer au bord de la rivière, les doigts de pied en éventail en attendant que tout soit prêt. Son écuyer faisait certes un excellent travail mais il ne pouvait pas tout faire seul. Sur l'île-aux-ours, chaque bras comptait du moins, chaque bras capable de faire ce qui était demandé. C'est ainsi qu'un homme, en passant, lui rapporta que son fils avait essayé de les aider. "Un fier petit ours !" qu'il lui avait dit. Harald était sa plus grande fierté, un enfant intelligent, futé et dont le sourire dénotait parfois avec les airs graves qu'il lui arrivait de voir chez Lyanna. Harald voulait grandir un peu trop vite et Rodrik n'en avait pas envie. Il aurait aimé le gardé enfant toute sa vie, lui épargner la dure vie des voyages en mer et des guerres mais il ne pouvait pas, le petit ours ne le lui permettrait jamais de toute façon.
Le chevalier ours avait toujours pris à coeur d'entretenir ses armes et son armure au cas où un événement comme celui-ci se profilait. Sage décision. Il n'avait pas besoin de réquisitionner l'aide d'un forgeron de dernière minute ni réajuster la taille de son armure. A présent, il avait plus de temps pour aider à la mise en place. Sa force légendaire sur l'île était d'une aide précieuse dans ce genre de situation. Il aidait les hommes à transporter les charges un peu plus lourdes vers les navires lorsqu'une main se posa sur son épaule. Tournant le regard vers la source de cette interruption il se retrouva face à Maege qui lui conseilla, même si cela ressemblait très fort à un ordre, d'aller passer quelques instants avec Harald. Préparer la guerre était une chose, s'assurer du bien être des habitants de l'île avant leur départ était également important.

Le petit ours ne fut pas difficile à trouver et lorsqu'il l'eut fait, Rodrik s'avança dans son dos. Les deux grands chiens ne bougèrent pas ou très peu, ayant l'habitude de la présence du père. Il lui fut donc facile d'arriver assez proche de son fils avant que celui-ci ne se retourne pour lui faire face. Un grand sourire aux lèvres, Rodrik l'attrapa et le souleva du rocher avec la plus grande aisance. Il le souleva haut et vite, s'il l'avait lâché peut-être l'aurait-il fait voler. Il le redéposa presque aussi vite au sol et se baissa pour être à son niveau.

- Comment ça se passe par ici ? Tu es prêt à défendre l'île ?

Il entendit du bruit et se retourna, curieux de savoir qui approchait. C'est avec plaisir qu'il reconnut la silhouette massive et rassurante du chevalier Mormont.

« Père ! » Sourire aux lèvres Harald se laissa soulever dans les bras de son géniteur et profita pleinement de l'attention de Rodrik, s'amusant à s'imaginer en train de voler tel un oiseau. Il partit d'un rire sonore et sincère, insouciant, au moins un instant. Son père était tellement fort ! Il espérait un jour devenir comme lui : fort, courageux et honorable... et grand.

Il fut un peu déçu de retrouver la terre ferme, mais cela passa rapidement car Rodrik s'adressait à lui. Il se redressa et carra ses épaules, en tentant de paraître plus costaud qu'il ne l'était. Il posa une main sur la poignée du petit couteau qu'il avait à la ceinture et annonça d'une voix sérieuse,

« Ne vous en faites pas, Père. Je protégerai l'Île et ses habitants pendant votre absence. » Puis il abandonna sa posture militaire et fit légèrement la moue, « Je voulais aider à charger les bateaux, mais personne ne semble vouloir de coup de main... Ils m'ont dit d'aller jouer ailleurs... » dans des termes moins polis, mais il ne voulait pas conter  son père qu'on avait dû le chasser et le menacer de claque derrière l'oreille pour le faire partir... et le pire avait été la menace de tout raconter à Rodrik. Harald ne voulait en aucun cas décevoir son père, surtout alors que le départ s'annonçait imminent.    

« Père, la guerre durera t-elle longtemps ? Quand serez-vous de retour ? » C'était important. Il voulait savoir, cela lui permettrait d'attendre plus patiemment. Il aurait tellement voulu l'accompagner... «  Vous êtes sûr que je ne peux pas vous accompagner ? Je pourrais m'occuper de vos armes... de votre monture... Je pourrais même cuisiner pour vous ! » Une grande déclaration pour qui n'avait jamais fat que touiller la soupe, et préparer une miche de pain avec du fromage,... Il regardait son père avec l'espoir qu'il change d'avis et lui permette de rejoindre le front, lui aussi. Il ne rêvait que cela : apporter gloire et honneur aux Mormont, et assister son père, malgré le fait qu'on lui ai dit qu'il soit trop jeune. Mais s'il ne pouvait se battre, il pourrait se rendre utile autrement...[/color][/b]

Rodrik aimait voir son fils comme ça, rieur et amusé par les choses simples et ce même après la mort de sa mère. Il s’était longuement inquiété à l’époque (il y a un an environ), espérant que ça n’affecte pas outre mesure son fils. Dès lors qu’il semblait heureux, Rodrik aimait donc en profiter un maximum. La vie continuait.
Il se mit à rire à son tour lorsqu’Harald bomba le torse, cherchant à paraitre plus costaud qu’il ne l’était déjà. Comparé aux enfants du continent, il ne faisait nul doute qu’Harald était plus fort. C’était un Mormont après tout !
Harald adopta une moue trop bien connue à laquelle Rodrik avait bien du mal à résister en règle générale.

- C’est parce que chaque groupe est bien organisé dans la préparation du départ. Certaines personnes ont un peu plus de mal que d’autres à adapter leurs manœuvres quand tout est déjà bien huilé.

Ajouter un enfant dans l’équation risquait de les ralentir plus que les aider, surtout dans une situation comme celle-ci où le départ était imminent, combiné à peu de temps qu’ils avaient eu pour se préparer. Quand il sera plus grand et dans leur situation, Harald comprendra sans doute plus facilement leur décision. En attendant, et même s’il aimait voir les plus jeunes s’investir dans la vie sur l’île, Rodrik ne pouvait pas blâmer les hommes pour avoir refoulé Harald.

- Je ne sais pas, Harald. Elle peut durer très peu de temps comme très longtemps. J’aurais préféré qu’elle n’ait pas lieu, rester ici avec toi mais ce sont les choses de la vie.

Il préférait être honnête avec son fils plutôt que de le faire espérer une guerre courte. Personne ne pouvait savoir à l’avance combien de temps ça durerait et s’ils en reviendraient vivants. Cette guerre, comme n’importe quelle autre, pouvait être sa dernière.
Il sentit une petite pique d’émotion en lui lorsqu’Harald affirma qu’il voulait venir et aider comme il pouvait. Il aurait aimé l’avoir près de lui, pouvait s’assurer lui-même en le voyant qu’il allait bien, peut-être même pourrait-il le protéger directement. Mais la guerre était ce qu’elle était, un événement bien trop dangereux et incertain et Rodrik savait qu’il valait mieux garder Harald le plus loin possible des champs de bataille, il aurait aimé l’en garder éloigné toute sa vie s’il le pouvait.
Rodrik passa une main dans les cheveux d’Harald pour les ébouriffer.

- J’ai besoin de toi ici pour veiller sur le reste de la famille. L’île compte sur toi pour empêcher les bandits de venir attaquer le village. Ton rôle est essentiel, il est très important d’assurer la sécurité de nos maisons sinon à quoi bon aller se battre ?

sujet archivé, suppression d'un membre