Celestia marchait calmement dans les rues de Braavos depuis l'aube. Sa longue robe faite de voiles d'un gris bleuté et d'or voletaient derrière elle. Deux des membres de sa garde personnelle l'accompagnait, mais elle n'avait plus le choix. Puisqu'elle refusait de toucher une épée, son père l'obligeait à sortir sous bonne protection. Fort heureusement, elle avait put avoir un droit de véto sur les combattants qui la servaient. Qu'ils soient présent par envie et non par obligation. Leurs armures en acier léger portaient le blason de la famille Antaryon. Il lui arrivait de s'arrêter régulièrement afin de discuter avec les membres de son peuple. Un sourire radieux sur les lèvres, l'ambassadrice de la cité illuminait le visage des passants. Son chiot, présent offert par Vera de Lys, sa belle-mère, marchait devant Celestia un peu maladroitement.
Comme à son habitude, elle entrait dans la rue où les mendiants pullulaient. Une triste vision pour l'oreille et la voix du peuple. Mais chaque jours, il y en avait un peu moins grâce aux solutions qu'elle trouvait. Créer de nouveaux emplois, engager du personnel au Palais de son père ainsi que dans la demeure familiale. Lorsque Celestia aperçut un homme troublant le calme d'une jeune personne en haillons, son sang ne fit qu'un tour. Et son visage d'ordinaire doux se durcit.
– Il faut être véritablement un lâche pour s'en prendre à plus jeune que soit. Lança t-elle d'une voix ferme et froide en s'avançant, assurée au grand dam des deux gardes.
L'homme, prit sur le fait, s'empressa de fuir. Mais, face au regard océan de l'ambassadrice, il était hors de question qu'une injustice reste impunie.
– Rattrapez-le. Intima t-elle à ses deux gardes.
Celestia s'approcha alors de la victime afin de l'aider à se redresser, reprenant toute la douceur de son caractère.
– Est-ce que vous allez bien ? S'enquit la jeune femme d'une voix calme et chaleureuse.
Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis que Jagen avait délibérément rendu la jeune Arya aveugle. Et, comme une multitude d'autres non-voyants, elle s'adapta à sa nouvelle condition de vie ; elle mendiait près d'un grand escalier, accoutrée d'un vieil haillon. Et, tous les jours, au petit matin, elle se rendit péniblement à son emplacement habituel et y resta jusqu'au crépuscule, attendant désespérément qu'un miracle se produise et la sorte de ce calvaire. Cependant, elle n'eut besoin qu'on lui vienne en aide. Après tout, elle était la fille de Ned Stark, le roi de Winterfell. Et après avoir vécu bon nombre de dangers, au cours de son périple vers le Nord, elle n'en était pas à son coup d'essai.
Arya se réveilla au chant du coq. Vêtue de son haillon crasseux, elle avança maladroitement dans les rues silencieuses de la ville. Arrivée au bas des marches de l'escalier allongé, à sa place habituelle, elle s'adossa contre le mur et se perdit dans ses pensées ; tout était d'un calme particulièrement saisissant. La plupart de son temps, elle restait assise à écouter diverses discussions des passants et parfois même, prenait plaisir à converser avec quelques autochtones qui lui rendaient visites. Cependant, elle tombait parfois sur des hommes rustres comme ce matin-là, tandis qu'elle se concentrait sur sa liste de nom, un homme qu'elle n'avait pas entendu arriver, l'approcha et commença à la tourmenter. Mais il ne savait pas à qui il avait à faire, malheureusement pour lui.
Dès lors, elle se releva soudainement cherchant à tâtons l'emplacement exact de l'individu. Non loin d'eux, un remue-ménage se fit entendre ; le peuple commençait à sortir de chez eux pour aller travailler, d'autres pour se promener. Et de ce qu'elle avait pu constater, c'était pour la plupart du temps, les personnes âgés qui empruntaient cette rue, en plus des commerçants. Peut-être était-ce pour cette raison que la jeune Stark s'installait toujours à ce même endroit ?
- Qui êtes-vous ? demanda t-elle en espérant pouvoir toucher la brute qui lui avait ébouriffé les cheveux. Pourquoi vous en prenez vous toujours à moi ?
- Tu es jolie en ton genre, ma mignonne, répondit l'homme en ricanant bêtement. Si on ne tient pas compte de tes yeux, tu restes très...
- Je ne suis pas intéressée par vos quolibets, coupa t-elle sèchement. Laissez-moi tranquille !
L'homme se saisit du la jeune adolescente et commença à vociférer quand une voix ferme et froide d'une femme l'interrompit dans son élan. Arya détourna sa tête en direction de sa sauveuse et se retrouva sur les marches après avoir été pousser violemment contre celles-ci. Elle tenta de se relever quand la femme ordonna à ses gardes de le rattraper. Puis, plus aucun sons, autre que les bruits de pas de courses des gardes qui s'empressèrent de pourchasser l'homme. Mais ce ne fut que de courtes durées. La femme l'aida à se relever et prit de ses nouvelles. Arya sourit. Elle caressa le visage de la femme et constata qu'elle n'était pas plus jeune qu'elle.
- Tout ira bien... Je crois, dit-elle en se relevant avec peine. Je suppose que je dois vous remercier pour m'avoir libérée de cette brute. Je ne suis pas très habile pour ce genre de chose, mais sans vous, je crois que... Merci beaucoup pour vous être interposée entre lui et moi.
Celestia ne supportait pas la violence, d'autant plus si elle était gratuite. Les duels auquel elle pouvait assister en début de soirée, lorsque les spadassins souhaitaient se défier, c'était autre chose. Parce qu'il y avait un certain respect entre ces deux personne. Mais qu'une brute s'en prenne à quelqu'un, noble ou pauvre, c'était une injustice. Et l'Ambassadrice de Braavos faisait en sorte que cela se produise le moins possible. Il suffisait de changer le placement des gardes, de modifier leurs rondes et de changer les heures. Mais les Hommes restaient des Hommes. Et pour cela, elle ne pouvait rien y faire. Les deux gardes partirent à la poursuite de la brute sans hésiter.
La fille des rues était jeune, ses deux grands yeux blancs informait la Braavienne de son handicap et cela ne devait vraiment pas être facile à vivre. Quand elle passa ses mains sur le visage de Celestia, cette dernière se laissa faire. La plupart des nobles l'auraient repoussées, mais l'héritière était loin d'être un cliché. Son parfum léger et sucré rappelait les contrées exotiques de Volantis et voletait dans l'air.
– Vous n'avez pas à me remercier, j'essaie de faire ce qui est juste. Souria Celestia malgré que la jeune femme ne puisse la voir. Comment vous appelez-vous ? Et depuis quand n'avez-vous pas manger ?
Arya ignorait la façon dont elle devait se comporter avec sa protectrice. Il y avait une éternité qu'elle n'avait pas eu l'opportunité de se tenir comme une adulte face à une adulte. La dernière fois qu'elle s'était bien tenue, c'était devant son père, quelques jours avant sa mort. Depuis, elle avait été prise d'aventures en aventures, voyageant à travers de nombreuses commune en direction du Nord. Elle n'avait donc jamais réellement appris à se tenir correctement devant une autre femme, contrairement à Sansa, qui elle, avait toujours suivie la voie de la haute cour. Et à l'instar de sa grande sœur, jamais elle ne s'était intéressée à ce genre de rôle, de personnalité. Elle avait toujours voulue devenir comme son père et ses deux grands frères - Robb et Jon – une combattante ; vivre une des aventures qui la mettrait dans le feu de l'action. Sa vie s'était toujours résumée à celle-ci. Et d'une certaine façon, elle devint exactement ce genre de personnage.
- Arya, répondit-elle en s'asseyant sur l'une des marches des escaliers, les mains posées contre le mur. Je m'appelle Arya Stark. Mon père était Ned Stark de Winterfell et roi du Nord. Qu'est-ce que ça peut vous faire qui je suis ?
Et elle se tut. Elle posa sa tête contre le mur et ne répondit pas à sa seconde question. Elle n'avait pas besoin de recevoir la charité de la part d'une inconnue. Pourtant, son estomac la trahit.
- Pourquoi vous souciez-vous de moi ? Je ne suis pas une cause perdue, vous savez ? Ajouta t-elle d'un ton agressif. Il y a d'autres démunis qui auraient plus besoin d'aide que moi. Je ne suis pas fragile.
Elle regretta presque aussitôt ses dernière paroles. Un long silence s'installa entre les deux femmes.
Je... commença t-elle en se relevant doucement et cherchant à tâtons les bras de l'inconnue. Je sais pas comment je dois m'y prendre avec les gens depuis que je suis loin de chez moi et des miens. Je ne voulais pas être désagréable et abrupte dans mes propos... pas avec vous, en tout cas. En réalité, je n'ai plus la notion du temps depuis que je suis comme ça (elle lui montra ses yeux). Peut-être trois jours, voire une semaine. Pourquoi ça vous intéresse tellement de savoir qui je suis ? Qui êtes-vous, au juste ? Qui vous envoie à ma rencontre ?
J'étais déjà tombée sur des mendiants qui ne souhaitaient pas d'aide et prenaient même la peine de m'envoyer balader, mais comment leurs en vouloir ? Chacun avait sa fierté et accepter de l'aide pouvait paraître pour une faiblesse. J'avais mis du temps à comprendre cela. C'est pour cela que je n'en tenais jamais rigueur. Arya Stark de Winterfell... Winterfell... C'était à Westeros ça ! Je connais cette famille pour y avoir livré quelques marchandises lorsque j'étais plus jeune. Mais que faisait-elle donc ici ? C'était une future dame du Nord et elle se retrouvait aveugle et à mendier dans les rues de la cité libre de Braavos. J'eus un pincement au cœur. Je la laissais alors déverser toute sa rage dans ses mots. Tellement de colère pour une si jeune fille. Je finis par m'asseoir à ses côtés, restant un instant silencieuse. Je ne la jugeait pas et ne ressentait pas de pitié mais plutôt une grande empathie et de la compassion.
– Je passe la plupart de mon temps à m'occuper des gens qui n'ont pas la chance d'avoir ce que moi j'ai... Personne ne m'envoie, je suis ici parce que je le souhaite. Tu es très loin de chez toi. Déclarais-je d'une voix douce. Les causes perdues, ça n'existe pas Arya Stark. Et je ne vois pas en toi de la fragilité. Ni en toi, ni envers les autres mendiants. Mais de la force. La force de venir s'asseoir ici et de ne pas baisser les bras. Quant à ton identité, je te la demande parce que c'est une chose importante. Une chose qui ne doit jamais tomber dans l'oubli.
Je regarde la jeune Stark, est-ce que sa famille savait qu'elle était dans la cité de mon père ? Je souhaitais pouvoir l'aider. Quand elle se confond en excuse, je la rassure :
– Ce n'est rien. Lui assurais-je. Je suis Celestia Antaryon, Ambassadrice et Princesse de Braavos.
Son identité dévoilée, elle serait plus facilement sujet à des recherches approfondies. Elle n'était plus en sécurité à Braavos. Tout le monde tenterait de la retrouver pour la ramener à Port-Réal. Tout n'était qu'une question de temps. Pour la première fois, elle se sentit au plus mal.
- Vous avez connue ma famille ? demanda t-elle en tentant de descendre les quelques dernières marches de l'escalier. Pourquoi votre nom ne m'interpelle pas ? Si vraiment vous êtes celle que vous prétendez, je devrais me souvenir de vous, non ? Allons marcher un peu, je ressens la population qui est en train de nous observer. Je n'aime pas être ciblée et me sentir comme une vulgaire proie.
Elle fit quelques pas en avant quand elle s'arrêta net et se retourna : deux autres mendiantes interagissaient sur la présence de Celestia. Elle lui sourit.
- N'y prêtez pas attention, lady Antaryon, lui dit-elle en lui tendant la main comme si elle s'apprêta à l'inviter à danser avec elle. Elles n'en valent pas la peine, croyez-moi ! Vous originaire de Braavos, vous savez ce que c'est ! De plus, vous êtes une grande dame de la cité, alors... Suivez-moi, j'ai un endroit où nous seront plus à l'aise pour converser.
Une dizaine de minutes, puis vingt s'écoulèrent quand Arya invita Celestia dans un abri caché d'une ruelle peu peuplée. Elle s'enfonça dans le noir complet de la petite pièce et alluma une cierge qu'elle avait empruntée d'une église.
- Pourrais-je vous demander de refermer la porte ? demanda t-elle en tendant la cierge devant elle pour éclairée le taudis qu'elle se servait comme abri. Ici, nous seront en sûreté pour parler.
Elle resta immobile devant la jeune inconnue, puis reprit :
- Je sais que je peux avoir confiance en vous, suite à votre prouesse à mon égard, s'exclama t-elle en dédaignant enfin de s'approcher de son invité. Pourtant, je n'ai pas pour habitude de l'accorder aussi facilement, ne le prenez pas mal. Mais vous, vous connaissez ma famille et vous n'êtes pas une tordue comme cet homme, tout à l'heure. J'ai besoin de votre aide ! Ajouta t-elle. Je sais que ça peut vous paraître complètement dingue ce que je vous dis mais, en dépit de ce que je vis actuellement, je suis en danger. Il me faut quitter cette ville au plus vite. Mon but est de retrouver mon frère au-delà du Mur. Je n'ai que lui sur qui compter, vous comprenez ? Vous êtes originaire de cette ville, vous saurez certainement me faire partir d'ici. Ce que vous voyez-là (elle lui montra de nouveaux ses yeux), n'est rien à côté de ce qui m'attends. C'est une sorte de châtiment pour avoir échouée à quelque chose. Je vous en supplie (elle la tint par les deux bras), il faut que vous m'aidiez à échapper cette cité !
– Je connais ta famille de part son blason et sa devise. J'ai été qu'une seule fois à Winterfell en compagnie de ma mère pour y apporter de la marchandise. J'étais encore une enfant. Déclarais-je simplement. Je ne me souviens que de ton père quand il a parlé à ma mère. Rien de plus...
Je me levais alors puis observa deux mendiantes. Elles chuchotaient en me regardant. Je ne leurs en tenait pas rigueur. Certains n'avaient toujours pas l'habitude de me voir dans les rues pauvres de Braavos. Je saisis la main de la jeune Stark et esquisse un sourire. Je me laissais guider par la jeune femme en imaginant déjà la tête de mes gardes quand ils reviendraient. Mais ils en avaient l'habitude. Nombreuses avaient étés les fois où je les avait fuis. Je ne me sentais pas en danger à Braavos. Sauf les fois où j'entendais le nom de la famille qui était rivale à la mienne. Les Fregars. Nous traversâmes les ruelles jusqu'à une cachette plongée dans le noir. Je referme la porte à la demande de la jeune louve. C'était un lieu que je ne connaissais pas. Probablement une ancienne salle servant à sécher le linge ou la viande. Je ne le saurais jamais. La chandelle éclaire un peu plus les lieux.
– Je t'écoute. Tu ne crains rien avec moi, même si j'imagine que c'est facile à dire pour moi... Je l'écoutais donc très attentivement. Je commençais à comprendre.
Il y avait bien un lieu mystique, étrange mais également dangereux dans cette ville. La demeure du noir et du blanc. Mais je n'en fis pas part. Car peut-être que je me trompais. Arya me saisit les deux bras pour appuyer sa demande d'aide. Je saisie ses mains dans les miennes.
– Je peux t'aider et je vais le faire. Lui assurais-je. Mais, je dois savoir ce que tu fuis pour être en mesure de te protéger. Est-ce la Demeure du Noir et du Blanc ?
Accueil
