Une sortie en ville mouvementée [Margaery]

Aujourd'hui est jour de marché en ville. Ce qui me va très bien. En plus d'avoir reçu une bourse plutôt garnie pour quelques lames vendues ces derniers jours, je n'ai absolument plus rien à me mettre sous la dent, hormis peut-être cette vieille poule si elle ne se décide pas bientôt à faire autre chose qu'à couver un nid vide.
Et donc, après avoir ouvert une trappe dans le toit pour évacuer un peu la chaleur de la forge, et passé une épée à la droite de ma ceinture, je sors à l'extérieur, plaçant rapidement une main devant mes yeux le temps de les habituer à la lumière du soleil. Cela fait, je traverse des rues que je connais comme ma poche pour me diriger vers la place de la cité, où les étals sont installés depuis l'aube. Premier arrêt, des pommes, deux d'entre elles rejoignant mes poches contre paiement tandis qu'une troisième se la joue clandestine. J'ai été un des gosses de rue de cette cité, autant dire que j'ai toujours eu la main agile, même si je n'abuse jamais. Mon second arrêt sera le stand d'un pêcheur que je connais bien. De la viande? Bien trop cher, même si certains affirment que je devrais installer un fumoir dans ma forge. Non, du poisson ça m'ira très bien, et ça sera encore mieux si j'arrive à trouver quelque chose à mettre avec. Je fouine entre les stands, attendant que ma gourmandise et mon budget se mettent d'accord, laissant parfois ma main trainer près de certaines marchandises, jusqu'à percuter quelqu'un que je n'avais pas vu sur mon chemin.

"Excusez. Je ne vous avais pas vu."

Je suis au bord de la crise de nerf. L'étai se resserre autour de moi, je le sens. Je dois me préparer à partir. Plus le temps passe, plus je crains le jour ou l'on viendra me chercher dans mes appartements d'invité et que l'on fera de moi un otage royale. Je me demande pourquoi j'ai voulu absolument venir. j'y tenais plus que tout c'était une erreur. Je le ressens dans le regard de chaque gens que je croise, dans les mots de tous ceux qui ont le cran de me parler. Certains veulent créer des alliances, d'autres me font clairement comprendre que je n'ai rien à faire ici. Je voulais simplement me montrer forte pour mon époux, mais aujourd'hui, seule ici je suis plus faible que jamais. Ce ne sont pas un homme politique et une garde de dix personnes qui me sauveront. Je dois trouver un moyen intelligent de rentrer chez moi, sans éveiller de soupçons et précipité les choses. Prendre la fuite, en pleine nuit, signerais le début du conflit armé. Je sais bien que Renly lui a demandé un arrangement de territoire, afin d'avoir d'avantage de temps pour renforcer son armée, pour trouver le point faible de Joffrey et son armée, mais cela laisse à notre "ennemi" le temps de faire de même.

Je suis encore et toujours dans les rues à me promener, mais aujourd'hui je n'ai pas l'intention de parler aux orphelins, de leur apporter à manger ou de donner de l'argent aux septas qui s'occupent d'eux, je suis bien trop préoccupée par autre chose.
Loreleï vaque à ses occupations loin de moi. Nous nous entendons de nouveau bien, nous n'avons aps su rester en conflit bien longtemps malgré ses discours des plus étranges, elle reste mon amie.

- Non c'est évident !

Dis je à un homme venant de me rentrer dedans, mais que je n'avais pas vu non plus. Pour réfléchir aussi intensément à mon avenir ici, j'aurais du rester cloîtrer dans ma chambre, mais s'est à croire que je suis claustrophobe.
Je ne dis pas ça le plus gentiment du monde et m'en excuse bien vite.

- Mais vous n'êtes pas le seul à être dans vos pensées, pardonnez moi!

Il était d'ici, lui, c'est sur et certain au vu de son accoutrement, mais ça ne m'avais jamais dérangés, jamais outrée de me retrouver en compagnie de ces hommes et femmes du peuple, comme peuvent l'être certains châtelains et autres personnalités de hauts rangs. Sans eux nous ne serions pas grand chose, nous ne devions pas l'oublier.

- Je crois que vous avez perdu quelque chose.

J'avais vu quelque chose tombée, sans pouvoir dire de quoi il s'agissait. Mais je supposais que ça venait de lui pourtant, car je n'avais rien entre les mains durant ma ballade, j'en étais convaincu.

La réponse ne se fait pas attendre, pas plus que le ton employé pour la formuler, d'ailleurs. Semblerait que ça n'arrive qu'aux autres de manquer d'attention, pour certains. La femme semble comprendre son erreur entre temps, ses traits s'adoucissant alors qu'elle reprend la parole d'une voix plus aimable. Merci de partager les tords. Elle m'indique finalement penser que j'ai perdu quelque chose, et je me retourne en regardant le sol jusqu'à remarquer ce que je cherche. Une pomme. Sans doute tombée de ma besace, effectivement.

"Merci. Et vous êtes pardonnée."

Hautaine de premier abord et bien habillée. Pas du coin. Y a réunion de nobles en ville en ce moment... je devrais me reconvertir en aubergiste. Ouais, ça pourrait être pas mal. Quoique en fait, hormis leurs bourses remplies, pas grand chose ne m'attire chez les nobles. Même pas leurs belles épées et leurs armures brillantes, pour un amoureux de la forge tel que je le suis? Croyez qu'elles viennent d'où leurs armes et leurs armures? Si je le souhaitais, je me forgerai les mêmes quand je le voudrais. Mais mon épée me convient très bien, et je préfère prendre un coup de temps en temps que m'encombrer d'une armure que le meilleur forgeron ne saurai rendre confortable.

"Cela ne regarde que vous, mais je dirai qu'il peut être dangereux pour quelqu'un de votre condition d'être perdue dans ses pensées par ici. Le marché est autant une réunion de vendeurs que de voleurs. Si j'étais vous, je surveillerai ma bourse avec attention. Simple conseil en passant."

Je ne suis pas des plus aimables à lui répondre quand il me dit ne pas avoir fait attention, mais je m'en excuse bien vite. Il n'en ai pas tout à fait responsable après tout. Comme certains le feraient, je peux m'évertuer à le regarder de haut, à lui parler comme à un serf, mais je n'en vois pas l’intérêt. Qu'ai-je de plus que lui excepté l'argent ? Je veux la couronne plus que tout certes, mais je ne suis pas un monstre pour autant. Je reste persuadée que si nous voulons régner correctement, il nous fat l'appui du peuple et cet homme en fait partit me semble-t-il.

Je lui signale la chute de quelque chose durant notre altercation. Il me remercie et m'excuse pour ma réaction première. Je souris légèrement. Il me signale que je ne devrais pas rester seule ici, encore moins si je ne suis pas réactive à ce qui m'entoure.

- Oui vous avez raison, je devrais faire plus attention.

Je suis prête à repartir, lorsque je me rends compte que mes pas m'ont mené bien plus loin que je ne l'aurais cru. J'ignore où je suis, je me suis perdue et je viens seulement de m'en rendre compte.

- Pourriez vous m'indiquer le chemin vers le donjon rouge. Je crois que je me suis perdue et ma suivante n'est pas là pour me guider. Et je crois que le seul garde venue avec moi n'est pas mieux lotie.

Je regarde de droite et de gauche, tentant de me repérer mais sans succès. Déjà avec ses indications je devrais mieux m'en sortir, quitte à redemander plus loin si je ne suis pas tout à fait à destination. Je n'oserais pas lui demander de m'accompagner, il doit avoir bien d'autre chose à effectuer que de me conduire à destination.

La pomme de retour dans mon sac, je met la damoiselle en détresse en garde contre la dangerosité des lieus pour quelqu'un de son genre. Moi? Je ne crains pas grand chose, hormis de participer à une bagarre de rue de plus si les choses avaient vraiment à dégénérer, mais à part ça... j'ai 35ans d'expérience dans ce bouge puant, je commence à y avoir fait ma place, et ce malgré la réputation de bâtard qui m'a longtemps collé à la peau. Aujourd'hui? J'ai bien d'autres réputations pas toujours plus reluisantes, mais je me ris bien assez de ce monde pour n'en avoir rien à faire.

"Le donjon rouge? Ce gros machin posé sur la côte, en haut de la ville?"

Genre, le coin où je ne vais clairement jamais. Ok, je dois pas passer très loin quand les gardes de nuit trouvent à m'attraper pour, je cite, "violation du couvre feu", mais je ne me suis jamais attardé pour faire du tourisme après avoir profité de leur hospitalité le temps d'une nuit.

"On va vous trouver ça. Nathaniel."

Un nom de famille? J'aurai encore préféré porter le nom des bâtards de la région, au moins, on aurait pas fait le rapprochement avec mon foutu paternel. Mais non, il a fallu que monsieur ai la brillante idée de me reconnaitre... c'pas comme si il avait pas déjà eu la parfaite copie de lui-même à la maison... bref, passons.
Le donjon rouge... j'imagine qu'en allant du coté de la ville où je ne traine jamais, à peu près dans la direction où les bordels laissent la place aux échoppes civilisées, on doit avoir nos chances. Tournant le regard, je croise celui d'un jeune homme de ma connaissance avec qui j'aurai bien voulu passer un peu de temps aujourd'hui...Je saurai le convaincre de me rejoindre plus tard. Sans doute n'est-il pas nécessaire d'abimer davantage la réputation de la dame par ma présence qu'il ne le sera nécessaire pour la ramener vers chez elle. Me présenter au donjon? Pas encore suicidaire. On dit que ceux qui y entrent n'en ressortent pas vivants.

Je suis un peu surprise par sa façon de parler du château. Mais bon en même temps il n'y a probablement jamais mis les pieds. Je lui réponds donc simplement :"Oui ce truc là!"

Je le remercie d'un signe de tête quand il me dit qu'il va m'aider à retrouver mon chemin. Je lui en serais gré. Il se présente ensuite par son prénom et je me dis que lui donner le mien ne pourra pas me faire de tord, il ne m'a visiblement pas reconnu après tout : "Moi c'est Margaery. Enchantée!"

Je vois le regard qu'il jette à un autre homme un peu plus loin dans la ruelle, mais je ne relève pas. Je jurerais y voir le même regard que porte mon frère sur mon mari, je suis donc bien mal placée pour juger et honnêtement je m'en moque, je n'ai rien contre ces hommes, tant que ça n'empiète pas sur ma vie... mais c'est une autre histoire et une discussion que je devrais avoir avec mon époux et mon frère à mon retour à Accalmie.

"Je vous suis." dis je tout en commençant à marcher. Nous passons devant quelques échoppes modestement fournis, je ne suis clairement plus dans le quartier bourgeois et en même temps je m'en moquais pas mal tout à l'heure, jusqu'à ce que je me perde, évidemment!

Je me demande ensuite comment occupé ce temps jusqu'à ce que l'on arrive à destination. Je ne tiens pas vraiment à laisser s'installer le silence, ce serait un peut trop lourd, un peu pénible quoi; j'aime parler! " Que faites vous dans la vie ?"

"Margaery. Nos parents avaient le même problème avec les noms à rallonge on dirai. Bref, autre débat, pas le bon endroit pour ça."

Elle accepte finalement que je lui serve de guide, alors que je critique déjà l'utilité du guide. Dans le bas de la ville ok, plus haut, c'est probablement elle qui me guidera. Disons que je serait peut-être utile si on vient à en vouloir à l'intégrité physique de la dame. A part ça...
Nos premiers pas se font en silence. Pas encore l'un de ces silences gênants où aucun des deux protagonistes n'ose en placer une, mais ça ne saurait tarder je le crains. Elle prend cependant le parti d'une conversation, en me demandant ce que je fais de ma vie.

"Je possède une forge, à l'entrée de la ville. Un parfait compromis entre rencontrer quelques personnes avec qui bavarder et apprécier la solitude des lieux. J'aime la solitude, et le bruit du marteau frappant le métal... et je ne dis jamais non à échanger quelques mots. Parait que je suis un cas particulier. Et vous? Y a quoi à faire dans un château?"

Moqueur? Peut-être très très légèrement, sans vouloir me montrer vexant. Hormis se faire servir par des serviteurs - et elle n'a rien d'une servante - et entendre des notables dans le genre de mon paternel bavasser sur les affaires de l'état, ou sur le boulanger qui a oublié de payer les banalités ou la dime... non, je vois pas. C'est dans ces cas là que j'apprécie de ne pas être le fils qui a eu droit aux hauteurs. Mon travail est ma passion, et j'en suis bien plus fier que je ne le serai des basses besognes du reste de la famille.

Il est donc forgeron. Très beau métier s'il en est. Il peut être fier de travailler de ses mains, qui y a t'il de plus noble que cela ? Puis il en vient à me demander ce que je fais moi. Après tout, nous ne travaillons pas comme le font les servantes. Je réfléchis un instant à une réponse. Dois-je lui renvoyer une jolie pique ou au contraire aller dans son sens pour un brin d'humour. Je vote pour l'autodérision; c'est apprécié en règle générale et je n'ai aucunement l'intention de me mettre cet homme à dos.

- Oh les journées sont bien longues parfois. Un peu de couture par ci, de ballades dans les jardins par là... Rien de bien palpitant!

Je lui fais un léger sourire, pour lui signifier ma semi-réponse.
J'espérais avoir une place plus importante que cela auprès de mon époux, mais à l'heure actuelle, pour être honnête, je n'avais pas vraiment d'autres rôles... Une lady était bien plus que cela, mais pour l'heure je faisais pâle figure.
Je pouvais sentir les regards sur moi... pas des badauds, mais des hommes que Joffrey payait pour me suivre ça oui! Oh bien sur dès que je me retournais dans leur direction ils avaient disparu, mais ils étaient là, je le savais, je le sentais et Joffrey ne s'en était jamais caché après tout.

- De quelle oeuvre êtes-vous le plus fier ?

Nous continuons à avancer tranquillement lorsqu'un homme me bouscule. Il s'excuse, me sourit faiblement. Alors qu'il s'éloigne, je sens un morceau de papier dans ma main. Je souris légèrement, mais je dois vite reprendre mon sérieux pour ne pas attirer l'attention. Je lirais ça plus tard, loin des yeux indiscrets : je parie pour un message de Renly ou de ma famille...

L'autodérision, une qualité que j'apprécie, même si je ne pensais pas la trouver chez une noble. Peut-être que l'image que j'en ai est un peu trop dictée par celle que j'ai de mes père et frère. Ou alors, elle est l'exception qui confirme la règle.

"Et moi qui suis incapable de rester deux heures sans faire quelques chose de mes mains..."

A se demander si je suis vraiment le fils de mon père. Une exclamation que je manque de peu de lâcher à voix haute, avant de me rappeler de réfléchir. Pas envie d'entendre parler de famille aujourd'hui.

Elle me demande ensuite de quelle œuvre je suis le plus fier. Vu le nombre que j'en ai créé depuis que ce métier est le mien, il y aurait de quoi hésiter. Mais en fait, non, pas tant que ça.

"Permettez."

Je m'écarte d'elle pour tirer mon épée de son fourreau, avant de la tenir à plat, la lame reposant entre mes doigts, face à elle.

"Il y en a eu de plus ouvragées... mais j'aime la simplicité. Et je sais qu'aucun innocent n'a eu à souffrir de son tranchant. Ça suffit largement à la rendre spéciale à mes yeux."

Je la laisse observer le fil tranchant et l'équilibre parfait de la lame, ne pouvant m'empêcher d'y regarder moi aussi. Sans fierté mal placée, il n'y a que deux forgerons en qui je ferait confiance pour me fournir une arme fidèle et efficace. Mon maitre et moi. Peut-être un jour y en aura-t-il un troisième, si je finis par l'écouter et me trouver un apprenti... mais je me dis que le gamin aura intérêt à s'accrocher pour me suivre, alors pour le moment, j'évite de faire subir ce sort à qui que ce soit.

Je finis par ranger la lame au fourreau, plaçant la main autour de sa garde avant de proposer à Margaery de reprendre notre route. Un homme la bouscule alors et je place ma main sur son bras pour sécuriser son équilibre, regardant l'homme s'éloigner un instant avant de revenir vers elle.

"Tout va bien? Il ne vous a rien dérobé?"

Elle n'a pas l'air plus bouleversée que ça de cette rencontre, alors j'en conclus que non avant qu'elle ne me le confirme elle-même.

"Si je peux vous donner un conseil.. .quitte à sortir seule du château, vous devriez vraiment garder une dague sous vos atours. Tout le monde n'est pas aussi sympathique que moi ici. Surtout avec ceux de votre genre."

Réussir à glisser l'hypothèse d'une vente, un compliment à mon égard et une pique au sien dans la même phrase, fait. Je suis pourtant loin d'être le meilleur pour rentabiliser mon temps. Bien trop perfectionniste pour ça, il parait.

- J'aurais peut-être du devenir forgeron. J'aime créer quelque chose de mes mains.

C'est une manière un peu détournée de dire que j'aime le crochet, mais aussi que j'apprécie la manipulation des personnes. Je joue avec les gens tous les jours. Sans la manipulation ma famille ne serait pas là où elle en est et moi non plus. Je ne suis pas aussi douée que ma grand-mère pour les discours, pour les piques, mais je fais de mon mieux, j'apprends de la meilleure.

Je lui fais signe que oui de la tête et il s'éloigne rapidement de moi. Il sors une épée du fourreau, à son côté. Elle est très belle. Il n'y a pas de grosse pierre dessus, mais il ne possède surement pas l'argent nécessaire pour ça déjà. Si il la sur lui, j'imagine qu'elle n'ai pas à un client à lui et elle serait plus ouvragée.
Je me fais ensuite renversée et tout de suite Nathaniel s'inquiète pour moi.

- Oh non, non ne vous en faites pas. Je vais bien !

Je fais mine de regarder sur moi, si tous mes bijoux y sont, je sais déjà que oui, mais je dois jouer le jeu jusqu'au bout. Je suis navrée de jouer une telle comédie devant cet homme, mais pour toutes les autres paires d'yeux ,je n'ai pas le choix.
Je comprends son dernier avertissement et l'en remercie. A sa place j'aurais probablement eu la même réaction. Il n'a vraiment pas eu l'air de voir le papier qui est passé de l'un à l'autre, je peux donc espérer que les espions du roi Joffrey ne l'ai pas vu non plus.

- Vous m'en feriez une ?

Je ne pouvais clairement pas demander cela au forgeron du roi, je serais aussi tôt remarqué et il me fallait être des plus discrètes au contraire.